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Fikret Baskaya : « La Turquie ? Une démocratie de basse intensité » - Association Maison Populaire de Genève
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Fikret Baskaya : « La Turquie ? Une démocratie de basse intensité »

{{PROPOS RECUEILLIS À ISTANBUL PAR BENITO PEREZ (Le Courrier Mardi 15 Juin 2010)}}

mardi 15 juin 2010, par Maison Populaire de Genève

INTERVIEW• Le fameux dissident turc ne croît pas au plaidoyer démocratique de l’actuel gouvernement islamo conservateur.Fikret Baskaya dénonce au contraire le durcissement de la loi antiterroriste.

« Vous savez : mon franc-parler ne m’a pas rendu très populaire à gauche. » Fikret Baskaya est trop modeste : la droite non plus ne le porte pas dans son cœur ! A 70 ans, cet infatigable défenseur de la liberté d’expression et du respect des minorités s’est fait autant d’ennemis qu’il est apprécié des siens. Affable et cultivé, Fikret Baskaya, politologue et socio-économiste proche de Samir Amin, est un intellectuel de haut vol –francophile et francophone– qui connaît la puissance subversive de la pensée. En 1991, il se fait théoricien de « La Faillite du paradigme1 » turc. L’ouvrage connaît un immense succès –plus de cent mille exemplaires vendus, – mais lui vaut l’expulsion de sa chaire universitaire d’Ankara. Et vingt mois d’emprisonnement.

A sa libération, Fikret Bas- kaya décide de s’émanciper du carcan étatique et fonde l’Ozgur universite, ou Université libre de Turquie, à la fois institut d’enseignement et de recherche, où se côtoient peinture et séminaire sur Michel Foucault, histoire contemporaine et questions d’actualité (lire ci-dessous).

Parallèlement, Fikret Baskaya lance avec d’autres intellectuels une Initiative pour la liberté d’expression et multiplie publications et chroniques dans la presse. Dans l’une d’elles, publiée après l’arrestation du chef de la guérilla Abdullah Öcalan, il tente de « contrer la vague de racisme antikurde » orchestrée alors par le pouvoir. « Propagande séparatiste », juge une Cour d’Istanbul, qui le condamne en 2001 à seize mois d’incarcération au titre de la loi antiterroriste.

Pour Fikret Baskaya, encore poursuivi en 2005 pour « insulte envers l’Etat », l’« ouverture » et les « progrès démocratiques » invoqués par l’actuel gouvernement demeurent purement « rhétoriques ». « Rien ne changera en Turquie, tant que le pays n’aura pas vécu ses Lumières », résume-t-il simplement.

En Europe se répand l’idée que la Turquie est sur la voie du progrès en matière de liberté d’expression.

Qu’en est-il réellement ?

Fikret Baskaya : On assiste à un double phénomène. D’une part, la répression contre les mouvements de gauche est effectivement un peu moins forte. La gauche est tellement affaiblie que le pouvoir ne la perçoit plus comme une menace.

D’autre part, la langue kurde s’est ouvert des espaces dont elle ne disposait pas il y a dix ou vingt ans. Aujourd’hui, il est possible de s’affirmer Kurde. Mais ceci n’est nullement l’effet d’une « ouverture » du régime, c’est le produit du renforcement du mouvement kurde ! L’Etat a été contraint à un recul stratégique.

Dans vos livres,vous niez que la Turquie ait atteint la « modernité ». Qu’est-ce que cela signifie ?

La conception de l’Etat dans la république est identique à celle qui présidait durant l’empire ottoman. Ici, l’Etat est sacré, il faut donc tout faire pour le protéger.

Un exemple : on pourrait croire qu’un universitaire qui rédige une analyse sur la question kurde fait le travail pour lequel il est payé. En Turquie, la logique est tout autre ; on lui dit : « Comment peux-tu toucher de l’argent de l’Etat et chercher à le détruire ! Tu es un traître ! » La modernité demeure ici une affaire de rhétorique. Ce pays n’a pas encore vécu ses Lumières.

Vous qualifiez le système de « démocratie de basse intensité »...

Oui. L’Etat turc a les attributs d’une démocratie : des élections, un parlement, des lois... Mais du moment que vous êtes radicalement en désaccord avec le régi- me, vos problèmes commencent ! Vous devenez un ennemi duquel il faut protéger l’Etat.

N’y a-t-il pas eu des avancées légales,notamment sous le gouvernement du parti AKP(islamo- conservateur),moins nationaliste que les républicains de gauche ou de droite qui l’ont précédé ? Certaines lois ont été modifiées. La législation anticommuniste avait été abrogée, avant même l’arrivée de ce gouvernement. Mais il reste un arsenal largement suffisant pour condamner qui l’on veut. Les lois antiterroristes, avec leurs procédures d’exception, prennent toujours plus d’importance. Voyez le procès qui est fait à mon ami Murad Akincilar (notre édition du 4 juin, ndlr) ! Voyez l’interdiction du parti kurde (en décembre 2009, ndlr) ! Des centaines de militants de gauche ou kurdes, des journalistes et des écrivains sont actuellement en prison.

L’actuel gouvernement a, lui aussi, durci cette législation d’exception. Il a fait adopter un amendement qui rend punissable tout texte qui pourrait convenir à une organisation terroriste. Si un procureur estime que vos propos sont favorables aux objectifs de telle ou telle organisation illégale, il peut ouvrir une procédure ! C’est une arme terrible contre la liberté d’expression.

La politique d’« ouverture » vis-à-vis des Kurdes n’est-elle qu’un leurre à destination des Européens ?

Non. Son objectif était aussi de marginaliser le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan,organisation indépendantiste armée, ndlr), de « l’effacer ». L’idée étant que si la « terreur », comme ils disent, disparaît, alors le problème kurde disparaît. Mais c’est absurde : la question est posée à l’envers : si le gouvernement voulait vraiment trouver une solution au conflit, il devraitparler avec les principaux responsables du peuple kurde. Or, depuis que [le premier ministre] Recep Tayyip Erdogan a annoncé cette « ouverture » (en été 2009,ndlr), il n’a parlé qu’à des journalistes, à des gouvernements étrangers, à ses alliés, mais jamais aux principaux concernés...

Le mépris à l’égard des Kurdes demeure entier. Leurs élus au parlement sont traités comme des pestiférés, on ne les salue pas, on ne leur parle pas. Dans le fond, rien ne change. On autorise une télévision en langue kurde à condition qu’elle diffuse la propagande officielle. Par contre, le quotidien kurde Azadiya Welat est régulièrement saisi. Son ex-rédacteur en chef Vedat Kursun a été condamné en mai à cent soixante-six ans et six mois de prison ! Nous menons campagne pour le faire libérer.

Va-t-on dès lors vers une aggravation du conflit ?

Je le pense. Des deux côtés, les opérations militaires s’intensifient. L’été va être chaud. Le gouvernement a reçu Massoud Barzani (le leader des Kurdes d’Irak, ndlr) pour obtenir le droit d’attaquer les bases arrière du PKK.

En face, la mobilisation autour du PKK est très forte, alimentée par la répression policière qui touche notamment es enfants jeteurs de pierres2. La frustration est grande. Beaucoup de Kurdes espéraient que les choses bougent après l’annonce d’Erdogan... Tout est réuni pour que cela dégénère.I

1 Nom de son ouvrage magistral Paradigmanin iflasi.

2 Le Courrierdu 24 février 2010.

Fikret Baskaya,au siège de son Université libre : ses nombreux écrits lui ont valu prison et expulsion de l’académie publique.

BPZ ==============================================

« La gauche doit changer de paradigme »

Le procès intenté au syndicaliste de Genève Murad Akincilar1montre que la gauche n’est pas épargnée par la répression.

La police n’a pas beaucoup de mal à la contenir. De temps à autre, une opération est lancée, qui répond à un besoin conjoncturel. Dans le cas de Murad Akincilar, on voulait faire croire, lors des arrestations (en septembre 2009,ndlr), à l’existence d’une grande organisation terroriste – Commandement révolutionnaire (CR)– possédant des ramifications dans divers mi- lieux. Pour cela, il fallait faire du chiffre, la police a donc arrêté à tort et à travers et la presse a fait de grands titres. Tel était le but de cette manipulation. Personnellement, je ne suis même pas sûr que CR existe. Et si c’est le cas, c’est un groupuscule ! Rien de proportionné à ce battage.

Comment expliquer la volte-face du tribunal,qui a libéré Murad Akincilar ?

Les juges ont compris qu’il n’y avait plus rien à tirer de cette affaire. On voulait effrayer la population en décrivant une organisation terroriste très solide, mais l’acte d’accusation ne faisait pas illusion. La presse s’est d’ailleurs désintéressée du cas. Le compte-rendu de l’audience aurait été bien différent du battage orchestré l’an dernier !

Hors la répression,comment expliquez-vous l’extrême faiblesse de la gauche turque ?

La situation de la gauche tient à son incapacité à se renouveler, à trouver un nouveau paradigme : c’est le thème du livre que je suis en train de terminer. D’une part, nous avons une gauche sociale-libérale (le Parti républicain du peuple, CHP, ndlr) qui a renoncé ; de l’autre, des organisations staliniennes qui ne peuvent évidemment pas construire une société démocratique. Ces deux gauches vivent toujours dans une logique du XXesiècle. Elles demeurent imprégnées de « kemalisme » (doctrine du nationalisme laïc incarné par le père de la nation turque, Mustafa Kemal, ndlr). Or, ce mo- dèle n’a rien de progressiste, c’est une autocratie bourgeoise. Cette gauche garde parfois une rhétorique anti-impérialiste mais jamais anticapitaliste. Pourtant, on sait bien que le capital n’a pas de patrie ! Accepter des privatisations à condition que les investisseurs soient turcs : dans le capitalisme mondialisé, cela n’a aucun sens. Quant aux syndicats, ils sont inexistants. Dans la région, la Turquie est le premier pays à avoirexpérimenté le néolibéralisme avec le coup d’Etat de 1980. Le peuple a beaucoup souffert. Mais je n’exclus pas l’éclosion de nouveaux mouvements sociaux, car la situation sociale est terriblement mauvaise.

Il existe une tentative d’unifier les partis situés à la gauche du CHP. Qu’en pensez-vous ?

Vous pouvez rassembler cinq assiettes vides, vous n’aurez toujours rien à manger ! J’insiste : l’heure est à l’invention d’un nouveau paradigme. Aquoi peut-il ressembler,selon vous ? Il devra être démocratique, respectueux de la nature et anticapitaliste.

Il faut prendre conscience des limites du monde, ce que le capitalisme, qui entre en crise dès qu’il ne peut produire davantage, ne permet pas. Nous devons revoir nos façons de produire, de consommer et de concevoir la vie. Quand vous changez de projet de société, vous devez changer de véhicule, de direction et de conducteur. Aujourd’hui la gauche se contente de dire : « Si nous étions au volant, tout irait mieux. » C’est évidemment insuffisant !

PROPOS RECUEILLIS PAR BPZ

1 Lire Le Courrierdu 4 juin 2010.

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« LA VRAIE UNIVERSITÉ »

« C’est la vraie universitécar indépendante de l’Etat et du capital. » Quinze ans après sa fondation,l’Ozgur universitefait toujours la fierté de Fikret Baskaya.Même si ses actuels quatre cents élèves répartis entre Ankara et Istanbul font pâle figure par rapport aux milliers du passé –« reflet de la dépolitisation de la société »– l’institution demeure une référence en Turquie.En sus des dizaines de cours réguliers dispensés par des professeurs bénévoles,revues,séminaires,conférences,un blog et quelque quatre-vingts livres en quinze ans alimentent le débat bien au-delà des frontières de la gauche radicale. Naguère formatrice de cadresdu mouvement social,l’Ozgur universites’est recentrée sur un public étudiant moins frileux idéologiquement.Mais sans céder à la logique pédagogique dominante.« Nous refusons de décerner des diplômes ou de faire des examens : les étudiants viennent volontairement, il n’y a pas de raison qu’ils ne travaillent pas », raisonne M.Baskaya.Ce qui ne l’empêche pas d’être attentif au suivi des élèves : « Nous faisons en sorte que tout le monde puisse s’informer sur des domaines souvent inaccessibles au plus grand nombre,comme l’écologique politique,la philosophie ou l’histoire. »

www.ozguruniversite.org

BPZ

Source :PAR BENITO PEREZ (Le Courrier Mardi 15 juin 2010 page 11)

www.lecourrier.ch

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