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Turquie, l’empire de la peur ! - Association Maison Populaire de Genève
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Turquie, l’empire de la peur !

vendredi 7 décembre 2012, par Maison Populaire de Genève

Plus de 1000 personnes, en grande majorité des kurdes, ont été arrêtées au cours du seul mois de novembre. Parmi elles, plus de 230 mineurs et quelque 300 étudiants et lycéens. « L’environnement créé, c’est l’empire de la peur. En criminalisant la société toute entière, les autorités créent des nouvelles peurs » dénonce l’Association des droits de l’humain (IHD).

Depuis 2009, les autorités turques se sont livrées à une véritable chasse aux sorcières contre les kurdes et tous les autres opposants qui soutiennent la cause kurde. La Turquie a battu tous les records ces dernières années, en ce qui concerne les arrestations pour motif politique qui n’ont jamais atteint un tel niveau depuis la création de la République turque.

« Le plus grand crime commis par ces gens est d’avoir exprimé leurs opinions ou d’avoir fait opposition aux autorités en défendant leurs idées. Penser, s’exprimer sont aujourd’hui considérés plus dangereux qu’une structure illégale » a déclaré à l’ActuKurde Raci Bilici, le secrétaire de la branche d’IHD de Diyarbakir, capitale du Kurdistan de Turquie.

Au moins 1.039 personnes ont été arrêtées au cours du mois de novembre 2012, selon un bilan de l’ActuKurde. C’est un record. La majorité de ces arrestations a été effectuée lors des perquisitions visant le principal parti kurde BDP, les organisations de la société civile et les locaux municipaux, et lors des manifestations en soutien aux prisonniers grévistes. Ces dernièrs avaient mis fin à leur action le 18 novembre, après une grève de la faim illimitée pendant 68 jours pour les droits fondamentaux des kurdes.

Dans son rapport annuel, l’association des droits de l’humain recensait un peu plus de 12.600 arrestations pour motif politique au cours de l’année 2011, contre 7.100 arrestations en 2010 et 7.718 en 2009. Le rapport annuel avait répertorié 3.252 cas de tortures et de mauvais traitements en 2011, soit cinq fois plus que 2007. Le régime turc a arrêté au moins 27.503 personnes dont 6.444 emprisonnements en trois ans, entre début 2009 et fin 2011, toujours selon l’association.

Plus de 230 mineurs arrêtés en 30 jours

Parmi les personnes arrêtées en novembre 2012 figurent au moins 232 enfants. En onze mois, le nombre des enfants arrêtés atteint déjà 426. Les motifs sont toujours les mêmes : participer à des manifestations « illégales », crier des slogans « illégaux » ou jeter des pierres sur la police.

Le 27 novembre, un tribunal de Mersin a condamné trois enfants kurdes à une peine totale de 51 ans de prison pour avoir participé à des manifestations. Les enfants kurdes font souvent l’objet de condamnations hallucinantes.

Les prisons turques comptaient 2.309 enfants à la fin de l’année 2011. 90,94 % de ces enfants étaient des détenus préventifs, soit 2.100 enfants, selon l’Association des droits de l’Homme (IHD). Malgré l’amendement sous la pression internationale de la législation anti-terroriste en juillet 2010 pour mettre fin aux jugements devant les cours d’assises des mineurs considérés et jugés comme des adultes, rien n’a changé dans les faits.

Plus de 300 étudiants et lycéens arrêtés

Les autorités turques visent également plus que jamais les étudiants et les lycéens. Selon le bilan de l’ActuKurde, au moins 263 étudiants et 40 lycéens ont été arrêtés au cours du mois de novembre. Les prisons turques comptaient 2 824 étudiants et lycéens fin janvier 2012, avait affirmé en août le ministre de la Justice turc. La Turquie est incontestablement la plus grande prison du monde pour les étudiants.

Depuis avril 2009, soit quelques semaines après le succès historique du parti kurde lors des élections municipales, près de 10.000 personnes ont été emprisonnées dans le cadre de l’affaire KCK, l’Union des Communautés du Kurdistan (KCK), accusée d’être la branche urbaine du PKK.

Le KCK est le système politique du PKK qui a pour objectif d’établir le « confédéralisme démocratique » afin de résoudre le problème kurde au Moyen-Orient. L’usage abusif de la loi anti-terroriste et la campagne de répression sous le nom d’« opérations KCK » permettent au régime turc de museler tous ceux qui luttent pacifiquement pour les droits des Kurdes. Chaque semaine, la police procède à de nouvelles arrestations arbitraires dans le cadre de l’affaire KCK, sans aucune preuve tangible.

Six députés, 36 maires, plus de 230 membres des conseils municipaux et 56 membres du conseil du BDP, ainsi que des dizaines de syndicalistes, journalistes, avocats, défenseurs des droits humains et intellectuels sont aujourd’hui en prison.

Comparable à l’époque de la junte militaire

« Ce qui se passe aujourd’hui présente des caractéristiques semblables avec l’époque de la junte militaire de 1980 » dit Raci Bilici, affirmant qu’une telle répression n’avait même pas été vécue dans les années 1990, au plus fort de la guerre entre le PKK et l’Etat turc.

« Même les régimes totalitaires n’osent pas mener une telle répression. On la voit en Syrie. Ça nous rappelle de temps en temps l’époque des nazis en Allemagne. Car, plusieurs prisons semblent être transformées en camps de concentration. Il est rare de voir une telle répression politique dans un autre pays du monde. »

Le gouvernement envisage d’emprisonner 80.000 personnes.

Le gouvernement Erdogan envisage d’augmenter la capacité d’accueil des prisons pour atteindre 203.223 d’ici à 2016, soit près de 80.000 places de plus, selon le ministre de la Justice Sadullah Ergin dans sa réponse écrite à une motion déposée par un député du principal parti kurde BDP. Ce qui veut dire que le régime AKP, parti au pouvoir, compte poursuivre sa politique de répression pour emprisonner 80.000 opposants de plus, en majorité des kurdes, affirme Husamettin Zenderlioglu, député BDP.

On ne peut pas gouverner par la peur

Les prisons turques comptaient un peu moins de 60.000 détenus en 2002, lors de l’arrivée au pouvoir de l’AKP. Ce nombre avait déjà atteint 130.000 fin 2011. La réponse du ministre de la Justice révèle l’intention du gouvernement de transformer le pays une prison géante.

« On ne peut pas gouverner le pays de cette manière. L’environnement créé, c’est l’empire de la peur. En criminalisant la société toute entière, les autorités créent des nouvelles peurs. L’AKP veut consolider son pouvoir autour de ces peurs. Mais je dois rappeler que ces méthodes ont déjà été utilisées dans le passé contre l’opposition kurde, sans succès. Ce sera pareil aujourd’hui. Car une société ne peut pas être gouvernée par la peur » souligne Raci Bilici.

(Maxime Azadi, actukurde.fr/actualites, 5 déc 2012)


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