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L’arrestation de l’ex-chef de l’armée turque : une opération de dissimulation du massacre ?

samedi 7 janvier 2012, par Maison Populaire de Genève

Rien n’indique que le gouvernement Erdogan rende la justice, même en emprisonnant un ex-chef de l’armée. Le régime AKP qui a déjà pris le contrôle de l’armée a emprisonné un ancien chef d’état-major au moment où il était accusé de dissimuler le massacre de 35 kurdes tués dans le raid du 28 décembre. La guerre du pouvoir menée par le gouvernement Erdogan n’est pas une lutte pour la démocratie.

Il n’est pas étonnant pour les kurdes de voir une telle opération quand le gouvernement est sous le feu des critiques. C’est une logique des gouvernements répressifs. L’emprisonnement de ces généraux qui devaient être jugés depuis longtemps n’est en aucun cas un avancement vers la démocratie, mais la poursuite de la guerre du pouvoir. Le but de ces arrestations n’a jamais été de rendre la justice ou de consolider la démocratie.

Le 5 décembre, l’ex-chef d’état-major des armées turques, le général à la retraite Ilker Basbug, a été placé en détention préventive sous l’accusation d’avoir voulu renverser le gouvernement. Le gouvernement Recep Tayyip Erdogan et son allié fort, la confrérie de Fethullah Gulen, avaient déjà pris le contrôle de l’armée, comme dans la police, les services secrets et au sein de la justice.

Erdogan créé sa propre structure profonde

Malgré l’arrestation de quelque 250 officiers accusés d’avoir conspiré contre les islamo-conservateurs, le pays n’est toujours pas dans la bonne direction. Aucun de ces officiers n’est jugé pour des crimes contre les kurdes, au contraire ce peuple continue d’être massacré par l’armée qui a changé de main.

L’emprisonnement de Basbug intervient au moment où le gouvernement est sous le feu des critiques pour le massacre des civils kurdes dont 19 enfant dans les bombardement du 28 décembre contre un village kurde de la région de Sirnak. C’est un « massacre collectif » et « délibéré » pour les associations des droits de l’homme et des ONG, « un massacre planifié depuis Ankara » selon le principal parti kurde BDP. Le silence, les tentatives de dissimulations, le refus du gouvernement de s’excuser et de rendre des comptes confirment ces jugements. Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan et ses ministres ont accusé le BDP et les journalistes, au lieu d’ordonner une enquête transparente et approfondie.

« Ce n’est pas un événement ordinaire. Tous ceux qui commettent des crimes, quel que soit leurs fonctions, doivent être jugés équitablement. Mais tout cela ne peut pas être utilisé pour les intérêts politiques du pouvoir. Le pouvoir en place demande des comptes aux structures profondes d’une part, il instaure sa propre structure profonde d’autre part » a déclaré Selahattin Demirtas, le co-président du BDP. Il a appelé les procureurs qui ont préparé le réquisitoire à entendre aussi des villageois kurdes qui ont vu leurs villages détruits par les militaires et des familles de disparus.

Tentative de dissimuler le massacre

Pour Kemal Kilicdaroglu, chef du Parti républicain du peuple (CHP), les tribunaux disposant de compétences spéciales ne sont pas des tribunaux qui rendent la justice mais qui entérinent des décisions prises par l’autorité politique. Affirmant qu’il est « claire que c’est pour masquer » le massacre de 35 kurdes, il a déclaré que lorsque le gouvernement se trouve sous le feu des critiques, il mène de telles opérations pour changer la page.

La loi n’est pas la même pour tous

Un gouvernement qui a pu garder le silence pendant 15 heures après le massacre et qui a pu réussir aussi à faire taire les medias « mainstream » pendant ce temps ne sera pas convaincant dans ses actions « soi-disant » pour consolider la démocratie, même en arrêtant des généraux criminels.

Un premier ministre qui a fait sa première déclaration sur le massacre 27 heures plus tard, non pas pour s’excuser ou rendre des comptes mais pour féliciter son armée, ne saura pas s’avancer vers la démocratie. Dans un pays où les tribunaux spéciaux se comportent pire que les anciennes cours militaires, on peut ne pas avoir la confiance en la justice quand le président turc Abdullah Gul dit que « la loi est la même pour tous ». Où est la loi quand on bombarde des civils innocents, exécute en pleine rue des manifestants, utilise des armes chimiques, violent les femmes, commet des crimes d’honneur ou des crimes contre l’humanité et quand on tue des enfants ?

Vers où se dirige la Turquie ?

Vers où s’avance-elle la Turquie ? Pour avoir une idée, il faut se rappeler de ces paroles d’Erdogan, tenues en décembre 2002 en Russie : « La question kurde n’existe pas si tu n’en pense pas ».

Lorsqu’on enferme 96 journalistes, 500 étudiants, 36 avocats, près de 40 syndicalistes, au moins 15 défenseurs des droits de l’homme, des centaines d’élus dont 18 maires et huit députés et des centaines d’enfants et des femmes politiques, ce n’est surement pas pour la démocratie, mais peut-être pour créer une société qui ne pense pas, une société sans opposition, sans réaction, un société où des citoyens devenus adeptes et partisans, sinon pourquoi autant d’agressivités et de pratiques fascisantes contre tous ceux qui critiquent ? Reste à savoir s’il peut réussir pour la survie de son hégémonie. Le seul obstacle c’est l’opposition kurde, qui ne pliera jamais le genou devant ce gouvernement. Mais quand le mouvement de la liberté et de la démocratie kurde réussie à rester debout malgré le "terrorisme" d’Etat, les autres tombent...

« Nous ne reculerons pas. Nous avons payé le prix jusqu’aujourd’hui. Ce n’est pas le jour de la peur et de prendre du recul. Aucune armée n’est plus forte que la force du peuple. Nous ne perdrons pas ! » dit le BDP. (Egalement publié sur l’ActuKurde)


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